Comment vivre avec une personne handicapée ?
Les
phrases en italique sont de mon épouse
Je pense qu'il est difficile, que ce soit pour la personne handicapée,
ou pour le conjoint de comprendre ce que l'autre vit.
En tant qu'handicapé j'ai mis longtemps à comprendre les
difficultés que l'autre pouvait rencontrer. Faut-il aider, faut-il
ignorer l'handicap, la réponse n'est pas facile. À certains
moments nous désirons tout faire par nous-mêmes pour nous
prouver que nous sommes encore une personne normale, à d'autres
moments nous lâchons un peu prise et nous aimerions être soutenus,-
c'est certainement une part d'affectif-, nous avons simplement besoin
d'être aimés à travers les gestes que l'autre peut
faire pour nous. Je pense que la règle de base est qu'il ne faut
jamais aider une personne handicapée si elle ne le demande pas.
- difficile pourtant de s’empêcher de faire des choses à
sa place ; » il ne va pas assez vite, cela m’énerve
: autant le faire moi-même. Il va tout casser, il va se faire mal...
».
-Pas facile cependant de savoir ce qu’il attend, et ce que je dois
faire : toujours l’impression d’en faire trop ou pas assez
!!! Le jour où l’on ne fait pas une petite chose –que
pourtant il considérait comme pas nécessaire…- l’on
a un reproche du genre « tu m’as oublié »…
Cette règle souffre certainement l'exception, l'exception est que
l'on attend de l'autre parfois un geste d'aide qui n'est pas une aide
technique mais une aide affective.
- oh oui, que l’affectif prend de la place ! le manque de confiance
en soi est important, toujours cette question latente, non exprimée
: « que me trouves-tu, à moi le pas normal, pourquoi restes-tu
avec moi ? », tant besoin d’être rassuré !
Mais n'oublions pas le conjoint, pour lui ce n'est pas facile qu'il ne
sait pas quelle attitude prendre et surtout je l'ai découvert récemment
il vit dans l'angoisse. Surtout si vous êtes cardiaque il a peur
de vous voir disparaître à chaque instant. La personne vit
donc dans une incertitude absolue sur l'avenir, et a du mal à se
projeter dans ce demain, à construire des projets en se demandant
en permanence si l'autre sera toujours là. Cette angoisse, il ne
voudra pas vous la communiquer de peur de vous rendre encore plus mal.
On ne peut pas mentir non plus en disant que tout ira bien alors que le
passé a prouvé le contraire. Que faut-il faire ?
-La peur est là toujours tapie, omniprésente, prête
à surgir et à vous engloutir..(sans lui, que faire ? tout
s’écroule) mais il faut vivre, continuer à faire des
projets. Avancer ou couler ? pas le choix, et en fait que sait-on de l’avenir
? il est plein de surprises et n’arrivera jamais ce que l’on
attendait.
Aller de l'avant, se
donner des projets communs, comprendre que la vie ne s'arrête pas,
que l'avenir existe, que même s'il est incertain il faut le construire
quoi qu'il arrive.
L'handicapé est une
personne comme une autre et lui-même, en premier doit l'accepter.
C'est-à-dire arrêter de s'apitoyer sur son sort, comprendre
que l'autre n'est pas toujours à l'aise, qu'il peut s'énerver
de vous voir ne rien faire, de ne pas vous aider dans certaines tâches
quotidiennes. Le problème est complexe, car s'il est vrai que vous
ne pouvez faire certaines choses, que vous déléguez celle-ci
à l'autre, quand l'autre en a marre, il va se sentir mauvaise conscience
s'il râle. Alors qu'il a raison de s'énerver, que s'il rentre
tout en lui, il va être mal, et qu'il doit pouvoir s'exprimer en
disant « j'en ai marre marre marre ». Ceci ne veut pas dire
qu'il y a un manque d'amour, mais simplement que parfois ce n'est pas
facile.
Quant au conjoint il doit comprendre aussi que parfois la personne qui
est en face de lui en a « marre marre marre » de ne pouvoir
aider dans le quotidien.
- oui j ‘en ai ras le bol par moment, c’est dur, tu m’enquiquines
sérieusement, je suis à bout…je dois tout faire, je
suis fatiguée :..je râle et puis.. je me dis que c’est
encore plus dur pour toi qui aimerais tant être à ma place,
travailler, courir, faire les courses, le ménage même, être
autonome dans le quotidien simplement.
J'écris cela, mais ce n'est valable que si entre les 2 personnes
l'amour existe, et je pense que c'est peut-être plus facile après
la cinquantaine, et je ne jetterais jamais la pierre à ceux qui
se séparent plus jeunes quand l'autre est handicapé.
- et c’est formidable, cette profondeur, cette qualité
d’échanges exceptionnelle liée à la maladie
peut être en fait. Cela vient peut être de cette épée
de Damoclés au-dessus de nos têtes, de cette si grande incertitude
quant à l’avenir qui engendre le besoin de profiter l’un
de l’autre, en négligeant le superficiel et qui en même
temps cimente notre relation et la protège. C’est super aussi.
Que d'incertitudes, que de difficultés, mais cela peut être
le ciment entre les personnes, et je ne suis pas sûr que les personnes
en bonne santé peuvent vivre parfois des choses aussi intenses.
-courage , la vie à deux même avec un handicap vaut la
peine d’être vécue : on râle, on pleure, on rit,
on rêve comme tout le monde et on vit surtout. Et… «
donne-moi la main, je suis là, toujours »
Vous avez lu jusqu'au bout
! Bravo ! Merci de me donner votre avis (si vous le désirez par
courriel : phgenvo@free.fr )
|